CONTRIBUTION :Les libertés publiques et le maintien de l’ordre: le principe de la proportionnalité…( par PAPA BA, professeur de lettres modernes, lycée plan Jaxaay…
Par Papa Ba, professeur de lettres modernes, Lycée plan Jaxaay.
Pour illustrer le principe de proportionnalité devant guider l ‘édiction des mesures restrictives des libertés, le juge allemand, Fleiner usait d’une image évocatrice : » La police ne doit pas tirer sur des moineaux à coups de canon ». En effet, si la police administrative, entendue comme toute mesure visant à prévoir les atteintes à l’ordre public, vient nécessairement contraindre les libertés des administrés, elle ne peut s’exprimer sans limites. De ce fait, l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen stipule: » il n’est pas de libertés possibles dans une société où les individus craignent pour la sécurité de leur personne ». Dans notre pays, les libertés et les droits sont inscrits au sein de la constitution sénégalaise du 22 janvier 2002 et figures au paragraphe 1de l ‘article 8. Ces libertés, notamment celle de manifester, sont au cœur de l ‘État de droit et font l’objet d’une société démocratique.
Pourtant, comme le démontre l ‘actualité, la restriction des libertés publiques, nécessaire pour le maintien de l’ordre , a souvent des conséquences néfastes. Combien de morts a t-on décompté dans des manifestions ,ici au senegal, ces derniers mois ?Et les plus regrettables sont orchestrés par nos forces de l’ordre dont le professionnalisme a été toujours chanté ici et ailleurs ? Comment justifier des balles qui atteignent, lors d’une manifestation, un passant ou un mineur ? Comment expliquer ces morts à ziguinchor?
A notre avis, quelles que soient les menaces qui pèsent sur l’ordre public et sur le bon fonctionnement de la société, la police administrative doit être suffisamment professionnelle pour éviter certaines bavures. Par conséquent, elle doit revêtir les contours et une intensité variable au gré des circonstances de temps et de lieu…Autrement dit, les actes de polices administratives sont soumis au respect de quelques règles fondamentales. Il y a donc des limites fondées sur la finalité des buts de police et autres dérivées du respect des libertés des individus.
Les limites liées au but de police sont relatives à ses mesures qui doivent être égales, nécessaires et raisonnables. En effet, l’égalité renvoie à l’application du principe général d’égalité devant les charges publiques qui n’est obligatoire que si les charges sont les mêmes. Le caractère raisonnable signifie que la gravité des mesures de police doit être proportionnelle au résultat que l’on veut atteindre, c’est à dire qu’ elles doivent être adaptées à la nature et à l’importance du désordre prévisible. Quant à la nécessité, elle exige que les mesures ne doivent pas dépasser ce qui est exigé par les circonstances. C’est pourquoi, on dit, en matière de police » La liberté est la règle, la restriction de police est l’exception « . D’ailleurs, lors de la deuxième édition des « mercredis » de la police, le 19 Août 2020, présidée par la Directrice, Semou Anna Faye, à l’école de police, le préfet de pikine, Guedj Diouf rappelait » Il faut interdir le moins possible les manifestations, car l’autorité doit faire preuve de souplesse « . Selon lui, l’interdiction doit être l’exception . Dans ce même panel, » les mercredis » de la police dont le thème portait sur » l’ordre public et la préservation des libertés publiques « , Ousmane Gueye, le Directeur du groupement mobile d’intervention qui a entretenu le public du « maintien et du rétablissement de l’ordre public », expliquait que la police et la gendarmerie, peuvent user de la force. Cependant, il affirmait qu’il ne faut pas confondre la légalité et l’opportunité. L’ idéal est donc, selon le chef de la GMI, de dialoguer et d’écouter les manifestants. Et s’il faut utiliser la force, elle doit être suffisamment maîtrisée. D’où la graduation dans l’usage de la force…
A la lumière de tout ce qui précède, rien ne peut expliquer les bavures policières que nous constatons dans notre pays. La justice doit se prononcer. Et nous ne cesserons de rappeler que l’ État de droit impose que l’atteinte aux libertés soit proportionnelle et contrôlée par un juge indépendant dont les pouvoirs doivent être renforcés pour permettre une conciliation des libertés publiques avec la préservation de l’ordre public.