CULTURE : À LA DÉCOUVERTE DES CHANTS TRADITIONNELS LÉBU Du bàkk au bàkku, en passant par le kasag, le tàggate et le woyu céet par Abdou Khadre Gaye de l’EMAD
Voici du tàggate de Adja Fatou Ndoye Diagne de Ouakam, intitulé Li ci maam bóoy sët a kay jël, c’est-à-dire : À la descendance, revient l’héritage de l’ancêtre :
À la descendance revient l’héritage de l’ancêtre
Diangar Diagne qui est resté à Ndayane
À la descendance revient l’héritage de l’ancêtre
Mame Olo Diagne qui est à la maison de Ndayane
À la descendance revient l’héritage de l’ancêtre
Tu es l’héritière de Mame Kass Diagne
Dioma, tu es l’héritière de ton ancêtre Yabèye Diagne
Tu es l’héritière de ton ancêtre Kass Diagne
Tu es l’héritière de ton ancêtre Narou Diagne…
Ceux-là sont les dix enfants de Ndiémé Gueye
Ndiémé qui est la mère Gniguine Gueye
Ndiémé, la mère de Mame Mbass Diagne qui a défriché Ouakam
Dioma, ton ancêtre a défriché Ouakam
Il a défriché Ronkh
Il a défriché Wamander
Il est le propriétaire de plusieurs hectares en titre foncier
Ton ancêtre a défriché Diakhaye
Il a défriché Ronkh
Il a défriché Wamander
À la descendance revient l’héritage de l’ancêtre
Ndieuke Diagne est ton ancêtre…
Le kasag, lui, est le chant initiatique du circoncis. Il lui apprend à être un homme de chez lui, c’est-à-dire un homme qui se connait, qui connait sa société et son environnement, un homme responsable prêt à prendre épouse et à gérer une famille. En exemple, cette leçon que le circoncis apprend par cœur, pendant sa retraite, loin de sa famille : njulli njaay baa génnee mbaar bala sa yaay yonnee bala sa baay yonnee bala kala mag yonnee na nga daw ba daanu… (Circoncis Ndiaye, quand tu sortiras de la case de l’homme, si te commissionne ta mère, si te commissionne ton père, si te commissionne plus âgé que toi, cours vite faire la commission…)
Le pendant du kasag des jeunes garçons est le woyu njam de la jeune fille qui subit l’épreuve du tatouage des gencives et/ou des lèvres. Tous les deux genres dopent le courage et appellent à l’endurance : bu ma nàmme daw, gàcce doy ma coow. Ñaar : ma dugg gaal sànku ji, mba ma taal daay yendu sa, yaay ! (Si j’envisage la fuite, la honte sera mon lot. De deux choses l’une : j’emprunte une pirogue pour me perdre en mer, ou j’allume des braises pour y passer la journée, mère !)
Pour sa part, le woyu céet est le chant qui accompagne par des conseils appropriés la jeune épouse qui rejoint le domicile conjugal : Séy la ma la yabalee, séy la ma la
yabalee. Ba la Yàlla yóbbóo, ba u dem sa kër gë, bal dumë ndaw ña, bal xas mag ña. Fóotël goro,Yàkkal goro, Waxtaan aq ab goro. (Je te donne comme viatique la bonne conduite dans le mariage, je te donne comme viatique la bonne conduite dans le mariage. Quand tu y seras par la grâce de Dieu, quand tu seras dans le domicile conjugal, ne bats point les enfants, n’insultes point les adultes. Lave plutôt les habits des beaux-parents, donne-leur à manger, cause avec eux.) Quant au laabaan, il célèbre la mariée dont la virginité est constatée après sa nuit nuptiale. Il y a aussi les chants et rythmes qui guérissent et protègent, tels le ndëpp et le tuuru, les chants, rythmes et danses qui célèbrent les bons comportements et décrient les mauvais, comme le ndawràbbin. Sans oublier le gumbé, chants et danses de pêcheurs et de moissonneurs, devenu affaire de troubadours. Ni même cette musique hybride dite asiko…
En exemple, cet air de gumbé : mag ña ngi ñuy ŋabar-ŋabare, sox fital, lawarweer, jaasi ; ñi di ñu yore i satala, ñii di ñu dugge i jàkka ; gumbe matu ño aaye ka tollu sig ndaw dox ka… (Les vieillards nous vilipendent, armés de fusils, de revolvers et de sabres ; ils médisent de nous en tenant leurs bouilloires, de même, en allant à la mosquée, ils médisent de nous ; inutile de nous interdire le goumbé car jeunesse doit se vivre…) Ou celui-là de ndawràbbin : Ayée, Faala Njéeme yewwul, Mbota nga la riir, Faala Aysa yewwul ! Ayée, lii du tey cosaan la, sët u Mareem Njaay, Demba Jeni waa Beeñ ! Ayée, Faala Njéeme yewwul, njaboot du nelaw, Faala Aysa yewwul ! Ayée, baay Saxa Mbayée, Saxa, Busa Mbay, Baay Saxa Mbayée ! (Ayée, réveille-toi Falla, fils de Ndiémé, Mboth bruit de mille sonorités, réveille-toi Falla, fils de Aïssa ! Ayée, ceci ne date pas d’aujourd’hui, c’est une tradition, petits-fils de Marième Ndiaye, fils de Demba Diéne de Bègne ! Ayée, réveille-toi Falla, fils de Ndiémé, un chef de famille ne dort pas à poings fermés, réveille-toi Falla, fils de Aïssa ! Ayée, mon père Sakha mbaye, Sakha, fils de boussa mbaye, mon père Sakha mbaye !)
Pour finir, ce chant de bawunaan : baawu naan, da nuy baawu naan ! maam Yàlla may ñu walàngaan, ngok i ngok! (bawou nane, nous faisons du bawou nane ! grand-père Dieu offre-nous une pluie ruisselante, et que chantent les grenouilles !…) Puis celui-ci de bëkëtë : bëkëtë bëkëtë, Baara Mbay ! Maali Maram Ndóoy, yal nala barkep ndóoyéen dal. Bëkëtë bëkëtë, Baara Mbay ! Jaraa boota Ndóoy, yal nala barkep ndóoyéen dal… (beukeuteu beukeuteu, Bara Mbaye ! Petit-fils de Mali Marame Ndoye, que la bénédiction des Ndoye soit sur toi. Beukeuteu beukeuteu, Baara Mbaye ! Merci beaucoup Ndoye, Que la bénédiction des Ndoye soit sur toi…)
Bref, nous aurions pu évoquer les chants domestiques des lavandières, des pileuses et autres berceuses, les chants et rythmes qui attirent la pluie, tel le bawnaan, etc. Mais nous nous en arrêtons là.
ABDOU KHADRE GAYE
Écrivain, président de l’EMA