CULTURE : portrait d’Abi Jéey Njaay qui fut le premier « tambour -major » intronisé de la Ville de Rufisque par Meissa Ndiaye Beye
Abi Jéey Njaay fut le premier « tambour -major » intronisé de la Ville de Rufisque .
Plus connu sous ce pseudonyme populaire d’artiste,Feu Isaaxa Njaay dit Abi Jéey, percussionniste de tam-tam et chanteur emblématique, spécialisé dans la généalogie « léboue »,est né à Rufisque en 1927.
Rappelé à Dieu le 31 décembre 1988, il a été inhumé au cimetière musulman de « Mbelelaan »- Dàngu à Rufisque.
Abi Jéey est le fils d’Ibrahima Njaay »gawlo » et de Mati Diagne Mbaay.
Éduqué dans la plus grande tradition des bardes et des griots descendants du célèbre Yérim Ngóone Jaxeer, Abi Jéey Njaay fit ses études coraniques au « Foyer ardent » de Serigne Dem à Dakar,sans pouvoir fréquenter l’école française.
Quand il eût fini de maîtriser le texte sacré, il transcrivit le « mushaf », à cinq reprises.
Afin de parfaire son éducation,il fût envoyé à Thiès,chez son oncle,le grand griot percussionniste et généalogiste,Gri-Taal Mbaay.
C’est sous la férule de cet oncle maternel qu’Abi Jéey Njaay maîtrisa les bases fondamentales des rythmes du « sabar », du chant à capella ayant comme base, le genre oral du « Tàggaate »(la scansion généalogique des familles)en plus de l’étude ,de l’apropriation et de l’intrusion dans l’imaginaire des « Tuurs » lébou (l’esprit des ancêtres).
C’est après cette riche propédeutique qu’il a été récupéré par son père, Ibrahima Njaay » gawlo », élevant ainsi, son niveau d’ éducation spirituelle et artistique,pour lui faire suivre ses traces et pour le faire devenir, par la suite,le grand griot-généalogiste des Lébous.
D’ailleurs , c’est au sein de sa famille au quartier Géndel de Rufisque , à côté de ses soeurs,Feue Awa Njaay, grande Diva des fanals des années 50 et Feue Sukèy Njaay, habile danseuse de l’époque,qu’Abi Jéey Njaay, animait ,les chants de Fanal et autres manifestations folkloriques , du temps où la rivalité politique, entre la SFIO et le BDS,faisait rage dans la Cité de Maam Kumba Lamb.
Neveu du très célèbre grand animateur,Maada Penda Sekk de Radio Sénégal, frère aussi, par la parentée, au tambour -major Ma -Seex Fatma Njaay de Dakar, ami et complice de Dudu Njaay Kumba Rose, Alaaji Abi Jéey Njaay fut un gentleman au goût raffiné,dans le port,dans la démarche et dans l’habillement.
Il faisait partie des grands « Nandaan »(les dandys) de la belle époque où Rufisque était le carrefour de la » Dolce Vitæ ».
C’est ici, d’ailleurs, l’occasion de rappeler que Rufisque fût la première Ville remportée par le BDS, grâce à l’alliance Léopold Senghor -Maurice Guéye,aux élections municipales de Juin,1951.
Adulé par le grand prédicateur en Islam, Alaaji Ibu Saaxo de Rufisque qui le considérait comme un « monument de la culture « léboue », c’est dans l’antre de sa maison familiale du quartier Géndel à Rufisque qu’Abi Jéey Njaay a couvé, formé et fait éclore beaucoup de talents inconnus, devenus de véritables » ndanaan »(stars) de la musique traditionnelle sénégalaise.
Il s’agit, entre autres, de ses neveux Abdulaay Mbuub(chanteur historique de l’orchestre Baobab,)de Njaaga Mbay et d’Ibrahima Géy de Puut.
Feu Thione Ballago Seck et son frère Moor Joor Seck, tout comme Mbisaan Ngom, Meysa Tine et le regretté jeune chanteur- guitariste,feu Badara Mbuub Ngaari,ont fourbi leurs armes et fait leur humanité dans la cour de sa maison de Géndel, à Rufisque.
Ayant accompli son service militaire,feu Abi Jéey Njaay savait aussi faire revivre intensément, grâce à sa belle et forte voix,les liens séculaires entre parents et familles « léboue »,par ses envolées lyriques dans l’évocation des faits d’armes de la saga historique du « peuple Lébou » de la Région du Cap-Vert.
Ayant accompli le pèlerinage aux lieux saints de l’islam, Alaaji Abi Jéey Njaay devînt un des personnages importants du décor culturel lébou.
Il était consulté par toutes les autorités coutumières, politiques et religieuses de Rufisque.
Chanteur à la haute voix haute, accompagnateur de l’autre monument historique de la chanson lyrique sénégalaise du Fanal,Feu Alaaji Badara Mbay Kaba,Abi Jéey Njaay, par les envolées, n’a jamais laissé indifférents, Feu Alaaji Momar Mareem Jóob,Feu Alaaji Basriisu Diagne, tous deux, grands « Serigne de Dakar « tout comme,il subjuguait le défunt Xalif des Tijaan,Serigne Mànsuur Si, Boroom Daara yi dont la mère est de l’auguste famille des « Sekk » de Mbaaw.
Fort heureusement,la Radio communautaire,Jokkoo FM de Rufisque et la Chaîne1 de la Rts,ont conservé en archive, pour la postérité,de précieux enregistrements audios sur l’histoire des familles « léboue « avec une variation du timbre de sa voix, empreinte de nostalgie.
Son fils Gorgi Njaay,lead vocal incontesté de l’orchestre moderne, »Atlantic » de Rufisque, assume bien la relève, dans la tradition du chant généalogique lébou ;il a été même consacré « citoyen d’honneur’ de la Ville de Rufisque par feu le Député -Maire, Ndiawar Touré, en reconnaissance des services rendus à la culture rufisquoise.
En effet, Il a hérité de son père,feu Alaaji Abi Jéey Njaay,la tonalité de la voix et la profondeur du ton dans la scansion de l’évocation de la généalogie des grandes familles de la Collectivité léboue.
Du reste, c’est pour sa connaissance ésotérique de l’imaginaire lébou que Maam Faatu Sekk, grande prêtresse du « Ndëpp » associait Alaaji Abi Jéey,en cas de difficultés,aux libations annuelles de la Collectivité léboue de Rufisque,au site de Diokoul- « Ndeppe ».
Après les profils d’Ajaa Xaar Mbay Majaaga et d’Elaaji Mbasu Ngom,la vérité historique m’incombait de faire connaître au grand public,la figure emblématique d’ Alaaji Isaaxa Njaay dit Abi Jéey de Géndel, premier « bàj-géwel » intronisé de la Ville de Rufisque, très tôt arraché à l’affectation des siens à l’âge de 61 ans.
Pr.Meissa Ndiaye BEYE Inspecteur de l’Education à la retraite.
Ancien conseiller culturel du Maire de la Ville de Rufisque.