GESTION DU FONDS COVID19: ABDOU AZIZ PAYE ECRIT AU PRÉSIDENT MACKY SALL
Dakar, le 23 avril 2020
Lettre ouverte A l’Attention de son Excellence Monsieur Macky SALL Président de la République du Sénégal
Objet : Contrôle à priori ou à postériori : Quel rôle pour le comité de suivi FORCE COVID 19
Excellence Monsieur le Président de Sénégal,
J’ai vécu avec angoisse, tristesse et espoir la crise sanitaire qui sévit à travers le monde.
Je me permets, à l’aune des objectifs fixés pour faire face à cette pandémie lors de votre adresse à la nation du 3 avril 2020, de m’adresser à vous.
En effet, malgré une certaine perplexité, des doutes et des peurs, je nourris d’immenses espoirs pour l’avenir de notre PAYS. Vous avez cherché à rassurer nos compatriotes en prenant des mesures salutaires tant au point de vue sanitaire, économique et social avec la mise en place du fonds « FORCE COVID 19 » avec un budget de F CFA 1000 milliards en vous engageant à garantir sa bonne gouvernance et la transparence de sa gestion.
J’ai pris acte de toutes vos déclarations d’intention mais, il n’en demeure pas moins que j’ai des inquiétudes par rapport à la gestion de ce fonds « FORCE COVID 19 ». Les populations se posent beaucoup de questions sur la transparence qui entoure les procédures d’attribution des marchés du riz, de l’huile et du sucre et du transport.
Mon propos n’est pas de m’engager dans des critiques non productives en me plaçant sous l’angle de contradictions politiciennes, qui seraient aux antipodes d’une démarche républicaine. Je vous demande juste de faire bonne lecture de ce qui est en train de se passer sous nos yeux.
Pendant cette période de pandémie, où la seule certitude qui existe est l’incertitude des lendemains, les structures mises en place pour gérer cette situation ne doivent en aucune manière faire comme bon leur semble parce que nous sommes en situation d’exception. Dans ce cadre vous avez mis en place un comité chargé de suivre :
– La mise en œuvre des orientations du conseil stratégique ;
– L’impact du soutien aux secteurs d’activités,
– La perception « pour » par les populations de ses interventions ;
Et d’assurer
– Un compte rendu régulier au Président de la République ;
– Une information régulière des populations.
Bien heureux, que le comité ait été créé certes avec du retard mais mieux vaut tard que jamais dit l’adage.
Cependant, la mise en place de ce comité avec les objectifs qui lui sont, ainsi, assignés semble être d’un autre temps car sa mission principale reste un contrôle à POSTERORI ce qui ne semble pas garantir une transparence réelle sur tout le processus de gestion du fonds FORCE COVID19.
Nul n’a le droit de verser dans l’autisme ou un patriotisme mal placé dans la gestion de ce fonds sur fond de pandémie avérée, ce fonds nous appartient à tous et à chacun avec nos capacités contributives qui nous donnent un droit de regard sur sa gestion.
Avant la mise en place du comité de suivi, beaucoup d’actes ont été posés allant de l’attribution des marchés pour le RIZ, le TRANSPORT, l’HUILE et le SUCRE. Des voix se sont levées tantôt pour des accusations, tantôt pour des éclaircissements et tantôt pour des explications teintées de menaces.
Par devoir de vérité et droit à l’information, tous les sénégalais doivent être renseignés sur les procédures ayant abouti à l’octroi des marchés ci-dessus cités.
Cette pandémie qu’on le veuille ou pas débouchera sur un nouvel ordre économique et social mondial alors chaque pays devra jouer sa partition et préparer l’après crise.
Je pensais naïvement qu’avec cette pandémie et le contenu de votre discours du 3 avril 2020, cette crise sera le prélude à une relecture appropriée de notre économie extravertie par la redéfinition de nouveaux paradigmes axés sur l’appropriation nationale des pans entiers de notre économie pour construire notre souveraineté.
Ainsi, je pensais, qu’on mettrait à contribution les Gouverneurs, les Préfets et Sous-Préfet, dès le début de la crise afin de réquisitionner tout le Stock de RIZ, d’OIGNONS, de MIL, de MAIS, d’ARACHIDES, de POMMES de TERRE que nos vaillants parents paysans ont constitué.
Il me semblait qu’une telle démarche aurait peut-être permis de mettre à la disposition des paysans et pasteurs, des ressources suffisantes leur permettant au sortir de la crise, d’avoir les moyens de doter le pays d’importantes ressources alimentaires qui, avec le soutien au Secteur Privé National aboutirait à la création ou consolidation de PME et PMI pour la transformation des produits agricoles.
Hélas, avec l’attribution des marchés du RIZ (question sur laquelle je reviendrais pour les membres du comité de suivi), l’HUILE et du SUCRE, il y a un doute existentialiste que je n’arrive pas à transcender.
Comment, une société privée logée à la zone industrielle sud rocade Fann BEL air, a pu bénéficier pour l’HUILE d’une attribution F CFA 5 250 000 000, alors que la SONACOS n’est attributaire que de F CFA 254 250 000.
Soit il n’y a plus d’outils de production à la SONACOS, soit il n’y a plus d’arachides sur le territoire sénégalais. En tous cas, nous avons raté une bonne occasion de remettre cette société sur pied avec l’utilisation de son appareil productif pour une production nationale et par la même l’extirper de sa situation moribonde ainsi que toute la filière arachidière.
Aussi, cette même société située à la zone industrielle a bénéficié pour le SUCRE d’un juteux marché de F CFA 3 450 000 000 là où la Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) est attributaire d’un montant en F CFA de 331 022 500. Le même raisonnement pour la SONACOS s’applique aussi à la CSS.
Au-delà de toutes ces considérations j’ose espérer que les capitaux de cette dite société sont nationaux et qu’elle ne bénéficie pas du statut du Code des investissement auquel cas nous aurons perdu doublement.
A mes concitoyens, membres du comité de suivi, voilà l’avant-gout du travail de contrôle qui vous attend. Si nous ne faisons pas attention, votre travail ne servira qu’à avaliser les actes qui ont été posés avant votre nomination et rendrait votre travail sujet de critiques. Et à juste raison.
Les soubresauts ne manqueront pas, tenant compte des limites juridiques de votre mission encadrée mais, nous vous demandons de jouer la carte de la transparence. Pour cela, misez sur l’expertise des organes de contrôle de l’ETAT à savoir la Cour des Comptes, l’Inspection Général d’Etat, le Contrôle Financier d’une part.
D’autres, part, demander à ce que les bureaux de l’Ordre des Experts Comptables (ONNECA) et de l’Ordre National des Experts du Sénégal (ONES) mettent à votre disposition pour chacun au moins deux experts pour vous accompagner dans votre mission et c’est là, uniquement que vous ferez face, disposant d’ une expertise avérée et indépendante, à votre mission de réédition et de transparence, tant souhaitées par le Président de la République et le Peuple Sénégalais, sur la gestion du fonds FORCE COVID19.
Je n’ai pas de parti-pris sur la question, mais je ne souhaite pour mon pays que du bonheur et de la joie de vivre et j’ose pouvoir compter sur notre patriotisme pour que demain nul n’en ignore. Oui Emmanuel KANT disait :
« « La véracité est un devoir, on doit la considérer comme le fondement de tous les devoirs qui doivent se fonder sur un contrat, et sa loi chancelle et devient inutile si on lui concède la moindre exception. »
Je vous prie Excellence Monsieur le Président de la République de croire, l’expression de mes sentiments patriotiques.
Abdoul Aziz PAYE