L’histoire jamais racontée du lutteur, Moth Diakhaté de Diokoul, icône des arènes sénégalaises par MEISSA NDIAYE BEYE
Mamadou Diakhaté, plus connu,en milieu lébou, sous le pseudonyme de « Moth », grand champion des arènes sénégalaises des années 40-60, a vu le jour à Rufisque, le 9 mars 1923.
Il est le fils Modou Diakhaté et de Thioro Taal.
Son père dont le patronyme Diakhaté serait d’origine malienne de la célèbre et historique ville de Koniakary, non loin de Kayes, dans la zone de la Falémé du Khasso de l’ancien Soudan français ,alors que sa mère est de souche léboue.
Le patronyme Diakhaté reste encore attaché à un mythe de la quête des origines.En effet, l’aïeul des Diakhaté aurait quitté son pays natal,le Soudan, à la recherche de son unique fils disparu.
Cette errance le conduisit ,après de multiples péripéties dans
les contrées du Diobasse, du Diander et enfin dans le Dialaw.
C’est ainsi qu’il rencontra, vers Kounoune- Ngalap, le patriarche Baayam Ciss qui lui offrit alors, le gîte et le couvert et permît à sa communauté de l’adopter, en lui demandant même de prendre une épouse, en milieu lébou .
De cette union naquit un fils unique, l’aïeul des Diakhaté, de souche lébou.
Voilà la légende que nous a rapportée,un des neveux de « Moth » Diakhaté,Mame Alassane Diakhaté de Rufisque.
C’est donc affirmer que les Diakhaté de racine léboue,est le résultat d’un métissage réussi entre peuples.
Mamadou Diakhaté dit « Moth » a grandi entre Rufisque et Mbour.En effet, c’est dans cette ville de la petite côte qu’il fît ses humanités coraniques chez El hadji Amadou Wade,son père spirituel.
Devenu adolescent,il reviendra à Rufisque, dans son quartier de Diokoul-Kaw, sans avoir eu la chance de fréquenter l’école française.
Dès lors, Il commença, à aider son père, dans ses activités champêtres et dans la pêche.
Doté d’une bonne force physique et longiligne comme un athlète, Moth Diakhaté se révélera à ses contemporains, à la surprise des uns et des autres, lors d’une mémorable séance de lutte nocturne (Mbapatt), lorsqu’il terrassa de manière spectaculaire un quidam, étranger au le milieu,venant d’enregistrer un succès continu par une série de victoires sur tous ses adversaires du moment.
Plus tard,il s’enrola dans l’Armée française pour accomplir son service militaire, en 1938.
A sa libération,Moth Diakhaté entra dans le cercle fermé des champions de la lutte simple en terrassa de manière spectaculaire,Dakhargui Ndiaye de Khombole, puis dans celui de la lutte avec frappe,rendue populaire par les Arènes sénégalaises depuis les années 20 à partir de Dakar,en pleine période coloniale.
Il sera, alors, l’idole de toutes les écuries léboue de la Région du Cap-Vert,de Yoff à Toubab-Dialaw.
Moth Diakhaté était un sportif accompli dans le port et dans la prestance , lors de ses sorties, dans les arènes, avec la complicité de son frère Dame Diakhaté tenant l’écurie de Diokoul.
C’est ainsi que dans la lutte avec frappe,Moth Diakhaté vainquit tour à tour le célèbre lutteur Demba Thiaw de Yoff, l’indétrônable Abdourahmane Ndiaye « Falang »de Diander ,le 08 juin 1940 aux Champs des Courses de Dakar,sans oublier Bécaye1 et son compatriote Songane Guèye de Rufisque.
Seul le corpulent et musclé Fodé Doussouba,un lutteur peulh venu du Fouladou,mit fin à la série de ses victoires mémorables.
Moth Diakhaté acquit même une véritable notoriété, hors du Sénégal,en remportant dans les années 1950,le titre ,tant envié,de champion de lutte de l’AOF en gagnant un tournoi organisé à Abidjan, en Côte d’Ivoire où, il aurait même croisé le fer à des catcheurs.
Sa popularité dépassa, dès lors, son Rufisque natale, jusqu’à St-Louis où la communauté guet-ndarienne l’adulait et l’adopta, comme un des leurs.
Ses apparitions, dans cette ville » d’élégance et de bon goût », comme l’écrivit, Ousmane Socé, pour rejoindre les Arènes de » Seukou-Bour » à la descente de l’ancien « Pont de la Geôle »,frisaient l’émeute.
D’ailleurs, l’ancien Président Abdou Diouf,confie qu’il arrivait que les garçons de son âge, de grimper sur les terrasses envoisinant l’enceinte de lutte, pour voir venir le champion Moth Diakhaté de Rufisque. Il était leur lutteur préféré.
La gent féminine, aussi, n’avait d’yeux que pour ce charmant lutteur à la démarche chaloupée et à l’accoutrement original, comme aiment à le confirmer,les familles ses deux plus grandes admiratrices, Fatou Bouba Ndiaye de Lodo et Sally Tounkara de Sindoné, toutes deux de St-Louis. ..
De même ,Moth Diakhaté comptait de nombreux fans tant à Diourbel qu’à Kaolack où il se produisait souvent .Il fut de la génération des célèbres lutteurs comme : Manga Diouf, Ngor Thaguine et Goumba Khoyâne , tous,de grands champions dont,Abdourakhmane Ndiaye « Falang »de Diander,loue la bravoure dans son magnifique chant gymnique, « bakk », sous la rythmique du vieux tambour-major,Bouna Basse Guèye de Dakar.
La popularité de Moth Diakhaté fut telle, qu’à Rufisque,le Maire Maurice Guèye s’attacha ses services, comme brigadier de police,dans sa proximité.C’est de cette amitié réciproque qui en a résultée expliquant qu’une des filles du champion Moth Diakhaté, Anne-Marie Diakhaté, soit l’homonyme de l’épouse du Maire Maurice Guèye.
Plus tard,le Ministre de l’intérieur d’alors,Me Valdiodio Ndiaye, procédera à sa reconversion dans le Corps des Gardes Cercles venant d’être créé par le Gouvernement du Président Mamadou Dia.
Adulé par les siens, admiré par les plus distinguées autorités du Sénégal et fervent talibé Tidiane,le champion de lutte Moth Diakhaté, sera honoré par le Président Abdou Diouf qui lui octroya,en 1981, un billet, pour accomplir le pèlerinage aux Lieux-saints de l’Islam.
Après son rappel à Dieu,il lui décernera même, à titre posthume,une décoration dans les Ordres nationaux.
Tel est l’itinéraire et la somptueuse l’histoire jamais racontée de cet icône des arènes sénégalaises, dormant du sommeil des justes au cimetière musulman de Gijëw de Diokoul depuis le 22 novembre 1997.
La Ville de Rufisque, surtout la Commune de Rufisque Ouest, pour perpétuer son nom et son œuvre, devrait pouvoir dénommer l’unique « pénétrante « de Diokoul au nom du valeureux champion Moth Diakhaté.
Texte rédigé et stabilisé sur la base d’enquêtes et d’informations fournies,au nom de la famille,par un des fils de Bamalick Diakhaté, frère du célèbre champion, Moth Diakhaté, Cheikh Mâme Alassane Diakhaté de Rufisque.
Pr.Meissa Ndiaye BEYE, inspecteur de l’éducation à la retraite et ancien conseiller culturel du Maire de la Ville de Rufisque.